top of page
  • Photo du rédacteurTAURUS

Qu’est-ce qu’être européen?

Franco-allemand, je suis souvent confronté à la question de quelle équipe nationale de football je soutiens… question à laquelle j’ai pour habitude de répondre “les deux”. Je possède par ailleurs la double nationalité et ai le droit à deux passports, mais là n’est pas l’essentiel. L’essentiel est que je me sens allemand, français et européen.

Dans un contexte de crise de légitimité de l’Union Européenne, dans lequel même les plus europhiles ne croient pas en l’existence d’une identité européenne - car, avouons le, qu’à un français en commun avec un polonais? - il est nécessaire de redéfinir la citoyenneté européenne. Mon opinion est que celle-ci ne doit pas se substituer à l’appartenance à une Nation, car oui, on peut appartenir à plusieurs communautés. C’est possible en séparant l’idée d’identité nationale de l’idée de citoyenneté.

En Europe, nos Etats-Nations sont par définition des Etats (c’est à dire un ensemble de personnes vivant sur un territoire délimitée par des frontières sur lesquelles des représentants exercent une autorité) calqués sur des Nations: l’appartenance à un peuple qui partage une culture, une histoire, une langue, un destin communs. Essayez d’appliquer cette définition à l’Union Européenne, vous n’y arriverez pas. Il y a en Europe 24 langues officielles différentes, des religions différentes et des nations dont la trajectoire historique commune est discutable. Comment faire alors pour fonder une communauté dirigée par des représentants démocratiquement élus et exerçant une autorité légitime sur un peuple européen, si la nation européenne n’est même pas une idée?

Je pense qu’il est tout à fait possible de superposer son identité nationale avec une citoyenneté européenne. Il est possible de se sentir à la fois français et européen, par exemple. Comme un texan se sent texan et américain, comme un bavarois se sent bavarois et allemand. Mais encore une fois, comment crée un sentiment à d’appartenance à une Nation qui n’existe pas?

Il ne s’agit pas, d’après Jean-Marc Ferry, philosophe français, de répliquer la formule nationale à une plue grande échelle, car ce serait vécu comme une dépossession et ressusciterait les nostalgies souverainistes: le projet européen est “incapable de susciter des élans comparables à la mystique unitaire de l’Etat-nation”. La solution serait donc de “convier chaque citoyen de l’espace européen à s’interroger sur le sens nouveau mais pas artificiel d’un “nous” qui dépasse sans les annuler les diversités nationales”. Plutôt que de fonder l’Europe sur un passé et une histoire communs, il faut la fonder sur un destin futur que nous voulons partager. Il s’agit ici d’une adhésion politique, issue d’une volonté de bâtir un espace démocratique commun et des instituions communes représentants les valeurs que nous partageons: Etat de droit, démocratie, égalité, liberté, universalité…

Je pense qu’il est intéressant ici d’introduire la notion de “Patriotisme Constitutionnel”, développé par Jürgen Habermas, sociologue et philosophe allemand. Selon lui, l’association que nous faisons entre identité nationale et citoyenneté est purement liée à des hasards historiques. Un espace démocratique ne se forme pas autour d’une appartenance à une entité culturelle, mais c’est en réalité l’adhésion à des principes et des valeurs communes qui créent le lien entre les personnes dans un espace démocratique. Pour qu’une adhésion politique à un projet européen soit possible et qu’une communauté légitime soit établie, il est nécessaire que l’Europe se dote d’une Constitution commune qui devra être adoptée par référendum.

Evidemment, un tel projet est illusoire sans l’émergence d’une société civile européenne. Les consultations citoyennes trans-frontalières lancées dans le cadre de La Grande Marche pour l’Europe sont un premier pas dans ce sens.

Louis LM

57 vues0 commentaire

Posts récents

Voir tout

L’Union Européenne et le conflit syrien

Le conflit syrien est un conflit qui a commencé par un soulèvement populaire, durant le printemps 2011, pour lutter contre la dictature de Bachar el-Assad ainsi que la domination de la grande bourgeoi

bottom of page